J'ai beau avoir tourné la question dans tous les sens et avoir pris de la distance face aux demandes de paraitre qu'on impose aux femmes, je continue d'avoir mal aux tripes chaque fois que je vois le reflet de comment la société perçoit les femmes rondes.
Et pas que pour nous. Pour toutes les femmes pour qui on mesure la valeur à leur capacité à avoir les dimentions d'un trophé de chasse masculine. Pour toutes les petites filles qui mesurent leur valeur à leur capacité d'attirer le regard masculin sur la mince ligne ou elles seraient sexys sans être taxées de femmes non respectables, donc utilisables. On a fait des femmes des images à utiliser selon les envies et les grosses ne correspondent pas aux envies qu'on vend, pas même comme objet sexuel. Surtout pas.
J'ai passé mon adolescence à me croire coupable de ne pas pouvoir être de ces femmes qui peuvent servir les envies des hommes, de ne pas correspondre aux douces créatures dont mes écrivains préféré tombaient amoureux au premier regard, comme si la beauté des femmes était leur principale qualité. C'est un jugement pénible pour toutes, puisque la beauté juvénile est inmanquablement destinée à se flétrir puis à faire tomber celles qui l'ont un jour détenue l'anonymat, comme leur consoeurs déjà invisibles de ne pas être belles. La littérature, lieu de tous les imaginaires et de toutes les constructions de pensée, n'est pas souvent un lieu de liberté et de possibles pour les femmes.
Le cinéma peut-être, alors?! Ce lieu où il est possible de voler, de sauver la terre, de se métamorphoser live, de faire à peu près n'importe quoi en restant parfaitement coiffée? Hummm...
Je reviens de quelques long vol, ou j'ai eu le loisir d'écouter presque l'entièreté de la programmation d' "AirFrance et ses partenaires Skyteam" pendant que ma fille jubilait de pouvoir écouter la Reine des Neiges en boucle.
Il n'y a pas que des gens beaux au cinéma, même chez les gentils. Il est de mise dans le cinéma français de présenter des hommes qui ne feraient pas l'unanimité niveau esthétique même comme principal protagoniste. Mais ne cherchez pas les femmes ordinaires chez les dames qui, à moins d'être belle mère ou sorcière, se doivent d'être magnifiques.
J'ai donc écouté mon lot de film d'amour Skyteamiens. Les fille était toujours fragiles, malades et incroyablement belles et les hommes, courageux, virils et éperduement amoureux au premier regard, près à tout pour conquérir des femmes qui méritent qu'on luttent pour elles, qu'on les gagne et idéallement, qu'on les possède ensuite pour la vie. La nouveauté de l'époque, c'est que les femmes peuvent être fortes si mignonnes, sous l'aile protectrice d'un encore plus fort qu'elles. Le patriarcat change ses vêtements.
J'avais déjà ma dose de rires découragés lorsque j'ai entamé l'écoute de Fiston. Qui m'a écoeuré au possible. J'aurai aimé voir quelqu'un partager mon énervement féministe, mais tout ce qui se trouve sur le net sont des critiques du genre: "Très bonne petite comédie légère: pas de gros mots, pas de vulgarité, pas de farces pipi-caca-poil, simplement une histoire qui nous a fait sourire du début à la fin. Ce film ne passera pas à l'histoire mais il a le mérite d'être amusant et divertissant, de plus les acteurs y font un excellent travail et les paysages sont parfois très très beaux."
Au risque de passer encore pour cette féministe-mal-baisée-sans-humour, je n'ai pas souri devant ce parfait exemple de culture patriarcale et du viol célébrée pendant tout le film. J'ai surtout pensé au public non averti de filles qui ne ressemblent pas à Véronica Valenti et qui se font rabaisser de toutes les façons pendant le film, en tant que Moches sur lesquelles même un moche comme fiston ne pourrait pas baisser les yeux. (Mais qu'il accepte tout de même d'utiliser pour se pratiquer à séduire...)
J'ai aussi eu de la peine pour la minorité de Véronicas Valentis de ce monde aussi, trophés de chasse de chasseurs débiles, pour lesquels il est acceptable de poser des geste criminels. Dans un parfait exemples de culture du viol, Fiston s'immisce chez la fille qu'il aime, se photographie près d'elle en train de l'embrasser pendant qu'elle dort puis lui fou la peur de sa vie, sans le vouloir bien sur. Et, en bon film symptôme de culture patriarcale, que fait Véronica Valenti quand elle apprends que c'est fiston qui s'était introduit chez elle? Elle est en colère pour un bon 3 secondes, puis l'embrasse et lui offre son corps. Ben oui. Mais Fiston réalise ensuite qu'il ne veut plus d'elle. Il est un Homme maintenant, un Vrai. Soupir.
Malgré ça, malgré tout ça, il y a des jours où, dans ma condition de femme, j'aimerais être un trophé de chasse plutôt que d'être au mieux invisible.
Invisible pour le milieu de la mode, qui semble vraiment déterminé à ne faire des jolis vêtements que pour celles qui les mettrons, à leurs yeux, en valeur, challengeant même la logique du capitalisme qui voudrait qu'ils vendent au plus grand nombre. Comme si les rondes ne pouvaient pas contribuer à une image de marque et être jolies...
Invisible pour bien des gens aussi... Anyway.
samedi 7 juin 2014
lundi 14 avril 2014
Jour de vulnérabilité
Il y a des jours difficiles. Je ne dois pas être ici la seule de ma sorte: perfectionniste.
Derrière cette volonté d'être irréprochable, il y a surtout une vulnérabilité profonde, où simplement exister sous le regard des autres est éprouvant. Bien sur, il est impossible de vivre à toutes les minutes avec cette impression de fragilité totale. Je me cache donc derrière des façades solides, je fuis ma vulnérabilité et j'évite les gens et le monde, tout en vivant droit au milieu.
La bouffe m'a souvent servi de bouclier. Il m'apparait aujourd'hui évident qu'après la mort de mon grand père et la naissance de ma petite fille, je me suis sentie tellement vulnérable que je suis retombée dans mon anesthésiant de prédilection.
Maintenant que j'essaie de me demander quels sont mes véritables besoin derrière ces envies de manger, maintenant que j'essaie de m'entendre et de répondre comme je peux dans l'instant à ces besoins qui ont l'habitude d'être mis sous le tapis, je me retrouve à fleur de peau.
Ça fait un peu peur, par bouts. Ça permet aussi de mieux sentir le soleil sur ma peau et les rires qui chatouillent le coeur. Je ne suis pas malheureuse. Je suis fragile. Sensible.
Cette sensibilité permet aussi de toucher à ce qui fait mal, de l'accueillir et d'y faire face, dans la compassion. De comprendre ce poids qui s'attache. D'en revenir à l'enfance qui nous forge immanquablement et de laisser de la place à cet enfant invisible qui n'a jamais été entendu.
Lorsque je regarde mes photos avec ouverture, il est impossible de ne pas remarquer quand je me suis mise à grossir à l'âge adulte. Ça s'est passé un soir de St-Jean. Oh, bien sur, le poids n'est pas venu tout d'un coup, mais il est venu lentement et surement d'une ouverture qu'un homme avait laissée toute grande.
J'avais décidé de rester à la maison, à l'écoute d'un besoin profond d'être seule avec moi même. Je me souviens d'avoir savouré l'absence de mes colocataires et de la douceur des draps frais de mon lit. Le temps était remplis de la fraicheur des orages d'été. J'étais bien.
Au milieu de la nuit, un inconnu est entré chez moi avec l'idée de me violer. Ça a été moi, ça aurait pu être n'importe quelle femme. J'ai sans doute eu peur, mais je me souviens surtout d'avoir été très calme, dans un état second de lucidité exagérée, et de m'être dit que je connaissait bien cet état hyperfonctionnel et anesthésié. Le seul mot qui me venait, c'est "encore". J'avais déjà été là dans la violence de mes parents. J'avais à présent devant moi une autre personne, qui me faisait peur, à gérer.
Je me souviens d'avoir pensé, d'avoir regardé son visage, de m'être promis de m'en souvenir, mais je ne me souviens pas de ce que j'ai vu. Je me souviens d'avoir pensé qu'il avait le teint foncé, puis de ne plus avoir eu l'accès à l'image. Je me souviens de l'avoir vu partir en courant, d'avoir eu de l'empathie pour lui, d'avoir téléphoné aux policiers pour les autres filles, d'être en dehors de l'équation.
L'intrusion ne s'arrête pas quand c'est fini. Il y a les médico-légaux, qui repassent sur ce corps qui s'en fou. Il y a la police à qui refaire l'histoire à l'endroit et à l'envers, trop de fois, et à chaque fois, des images disparaissent. Il y a aussi les enquêteurs qui, pendant que je partage et dissèque ce moment de vie avec leurs collègues, fouillent ma maison à la recherche d'empreintes et d'indices, comme si ça n'était plus ma maison, ma chambre, mon intimité.
Je suis revenue chez moi. J'ai enlevé les bandeaux jaunes de scène de crime autour de l'appart, en pleine rue St-Denis, ces bandeaux que tout le monde avait vu alors que le crime était sur mon corps. Mes colocs, sauf une, avaient trop peur de cet homme qui n'a jamais été identifié pour revenir chez nous. Personne ne m'a dit au revoir. Personne ne m'en a parlé. J'ai frotté les traces de poussière laissées par les policiers toute seule. Quand il m'aurait pris l'envie de parler de tout ça avec quelqu'un, quelques mots suffisaient à me laisser comprendre que leur malaise me serait trop difficile à porter. Je suis retourner travailler le lendemain, parce qu'il fallait que la vie continue. Et je ne me sentais pas outre mesure affectée, si peu affectée même que j'ai mis du temps à aller voir le psy que m'offrait l'IVAC.
Quand j'y suis allée, je lui ai dit que je lui parlerait d'autre chose, que cette agression ne m'avait rien fait. Je suis allée lui parler de ma blessure devant la souffrance des autres. De ma haine de l'injustice. De l'état du monde. De cette colère et de cette impuissance que je n'arrivais pas à relier à moi même.
Mais il y a en moi un petit coin vulnérable qui a peut d'être étouffé de cette boule de colère mise dans une boîte scellée. Je bouille déjà de colère à voir la violence et l'indifférence du monde, comme pour lui crier de rester loin de moi alors que je porte en moi plusieurs des manifestations de la violence qu'on fait aux enfants et aux femmes.
Un jour, un petit bout de cette colère est sorti. On m'appelait, plusieurs années plus tard, pour identifier cet homme, en me suggérant fortement une photo, qui aurait pu correspondre mais dont je n'étais pas certaine, faute de souvenir, d'image.
Moi, la militante de toutes les causes, j'ai ressenti soudain une fraction de cette colère en moi, au fond de mon coeur, hurlante: celle de ne jamais avoir fait de mal à une mouche et de me prendre la violence de trop d'humains inachevés, la colère de ne même pas être capable d'haïr. J'étais dans le métro. J'aurais eu envie de tout casser pour ne pas casser de l'intérieur, à coup de pieds. Et pourtant, je ne bougeais pas.
C'est beaucoup d'impuissance et d'invisibilité à gérer pour une seule personne. Je l'ai parfois géré dans un pot de crème glacée et à coup de crises boulimiques, que j'ai cessé de faire avec cette démarche de réconciliation de soi antirégimienne. C'était le début d'une trève.
Puis j'ai eu un enfant. L'accouchement a sincèrement été un traumatisme, même pour l'étudiante sage-femme que j'étais, même pour celle qui s'était intéressé à l'effet des traumas sexuels sur les femmes en travail. Je ne l'ai même pas reconnu à l'époque. Cette intensité par laquelle mon corps était secoué, hors de ma volonté, était insoutenable de par ce sentiment de ne pas avoir de contrôle sur ce mal. J'ai sincèrement voulu mourir en accouchant. Puis je me suis donnée corps et âme à cette enfant de mon coeur, jusqu'à m'oublier, tout en me réparant un peu.
Je retrouve avec mon poids en trop le connu, l'invisibilité. Être femme et être grosse, c'est se prendre les regards de ceux qui croient que ça n'est qu'une petite question de volonté, de manger mieux, de bouger plus. C'est cotoyer des personnes qui ne veulent pas vraiment me connaitre mais qui m'identifient à un groupe de personnes faible et sans volonté. C'est surtout l'invisibilité, si connue dans mon parcours, et pourtant si détestée. Je me suis sabotée pour y revenir, pour y rester.
Perdre du poids, c'est une toute autre paire de manche que le prendre, mais comme avant, je pense que le changement réel et profond ne peux commencer que par l'acceptation. Je suis grosse, marque visible de mes difficultés, de mes combats, de mes gènes aussi, sans doute. Je suis aussi grosse de ces hormones en folie, avec cette vieille amie tumeur, qui font qu'il est sans doute plus facile pour moi que pour d'autres de prendre du poids. Au yeux de plein de gens qui ne connaissent rien au surplus de poids, tout cela ne saurait être qu'excuses et mensonges. (Le féminisme intersectionnel fait une belle analyse de l'oppression systémique que vivent les personnes en surplus de poids.) Je n'accepterai pourtant pas qu'on me dévalorise jusque de l'intérieur alors que ce poids et ce qu'il représente est déjà difficile à porter.
Je suis une battante. Et je prends toute ma force pour me donner le droit à la vulnérabilité. C'est elle qui me secoue, des jours comme aujourd'hui, ou je reconecte avec mon corps et mon âme. Elle me secoue, mais me fait revivre aussi... C'est fou comme c'est un long voyage que d'aller simplement vers soi...
Derrière cette volonté d'être irréprochable, il y a surtout une vulnérabilité profonde, où simplement exister sous le regard des autres est éprouvant. Bien sur, il est impossible de vivre à toutes les minutes avec cette impression de fragilité totale. Je me cache donc derrière des façades solides, je fuis ma vulnérabilité et j'évite les gens et le monde, tout en vivant droit au milieu.
La bouffe m'a souvent servi de bouclier. Il m'apparait aujourd'hui évident qu'après la mort de mon grand père et la naissance de ma petite fille, je me suis sentie tellement vulnérable que je suis retombée dans mon anesthésiant de prédilection.
Maintenant que j'essaie de me demander quels sont mes véritables besoin derrière ces envies de manger, maintenant que j'essaie de m'entendre et de répondre comme je peux dans l'instant à ces besoins qui ont l'habitude d'être mis sous le tapis, je me retrouve à fleur de peau.
Ça fait un peu peur, par bouts. Ça permet aussi de mieux sentir le soleil sur ma peau et les rires qui chatouillent le coeur. Je ne suis pas malheureuse. Je suis fragile. Sensible.
Cette sensibilité permet aussi de toucher à ce qui fait mal, de l'accueillir et d'y faire face, dans la compassion. De comprendre ce poids qui s'attache. D'en revenir à l'enfance qui nous forge immanquablement et de laisser de la place à cet enfant invisible qui n'a jamais été entendu.
Lorsque je regarde mes photos avec ouverture, il est impossible de ne pas remarquer quand je me suis mise à grossir à l'âge adulte. Ça s'est passé un soir de St-Jean. Oh, bien sur, le poids n'est pas venu tout d'un coup, mais il est venu lentement et surement d'une ouverture qu'un homme avait laissée toute grande.
J'avais décidé de rester à la maison, à l'écoute d'un besoin profond d'être seule avec moi même. Je me souviens d'avoir savouré l'absence de mes colocataires et de la douceur des draps frais de mon lit. Le temps était remplis de la fraicheur des orages d'été. J'étais bien.
Au milieu de la nuit, un inconnu est entré chez moi avec l'idée de me violer. Ça a été moi, ça aurait pu être n'importe quelle femme. J'ai sans doute eu peur, mais je me souviens surtout d'avoir été très calme, dans un état second de lucidité exagérée, et de m'être dit que je connaissait bien cet état hyperfonctionnel et anesthésié. Le seul mot qui me venait, c'est "encore". J'avais déjà été là dans la violence de mes parents. J'avais à présent devant moi une autre personne, qui me faisait peur, à gérer.
Je me souviens d'avoir pensé, d'avoir regardé son visage, de m'être promis de m'en souvenir, mais je ne me souviens pas de ce que j'ai vu. Je me souviens d'avoir pensé qu'il avait le teint foncé, puis de ne plus avoir eu l'accès à l'image. Je me souviens de l'avoir vu partir en courant, d'avoir eu de l'empathie pour lui, d'avoir téléphoné aux policiers pour les autres filles, d'être en dehors de l'équation.
L'intrusion ne s'arrête pas quand c'est fini. Il y a les médico-légaux, qui repassent sur ce corps qui s'en fou. Il y a la police à qui refaire l'histoire à l'endroit et à l'envers, trop de fois, et à chaque fois, des images disparaissent. Il y a aussi les enquêteurs qui, pendant que je partage et dissèque ce moment de vie avec leurs collègues, fouillent ma maison à la recherche d'empreintes et d'indices, comme si ça n'était plus ma maison, ma chambre, mon intimité.
Je suis revenue chez moi. J'ai enlevé les bandeaux jaunes de scène de crime autour de l'appart, en pleine rue St-Denis, ces bandeaux que tout le monde avait vu alors que le crime était sur mon corps. Mes colocs, sauf une, avaient trop peur de cet homme qui n'a jamais été identifié pour revenir chez nous. Personne ne m'a dit au revoir. Personne ne m'en a parlé. J'ai frotté les traces de poussière laissées par les policiers toute seule. Quand il m'aurait pris l'envie de parler de tout ça avec quelqu'un, quelques mots suffisaient à me laisser comprendre que leur malaise me serait trop difficile à porter. Je suis retourner travailler le lendemain, parce qu'il fallait que la vie continue. Et je ne me sentais pas outre mesure affectée, si peu affectée même que j'ai mis du temps à aller voir le psy que m'offrait l'IVAC.
Quand j'y suis allée, je lui ai dit que je lui parlerait d'autre chose, que cette agression ne m'avait rien fait. Je suis allée lui parler de ma blessure devant la souffrance des autres. De ma haine de l'injustice. De l'état du monde. De cette colère et de cette impuissance que je n'arrivais pas à relier à moi même.
Mais il y a en moi un petit coin vulnérable qui a peut d'être étouffé de cette boule de colère mise dans une boîte scellée. Je bouille déjà de colère à voir la violence et l'indifférence du monde, comme pour lui crier de rester loin de moi alors que je porte en moi plusieurs des manifestations de la violence qu'on fait aux enfants et aux femmes.
Un jour, un petit bout de cette colère est sorti. On m'appelait, plusieurs années plus tard, pour identifier cet homme, en me suggérant fortement une photo, qui aurait pu correspondre mais dont je n'étais pas certaine, faute de souvenir, d'image.
Moi, la militante de toutes les causes, j'ai ressenti soudain une fraction de cette colère en moi, au fond de mon coeur, hurlante: celle de ne jamais avoir fait de mal à une mouche et de me prendre la violence de trop d'humains inachevés, la colère de ne même pas être capable d'haïr. J'étais dans le métro. J'aurais eu envie de tout casser pour ne pas casser de l'intérieur, à coup de pieds. Et pourtant, je ne bougeais pas.
C'est beaucoup d'impuissance et d'invisibilité à gérer pour une seule personne. Je l'ai parfois géré dans un pot de crème glacée et à coup de crises boulimiques, que j'ai cessé de faire avec cette démarche de réconciliation de soi antirégimienne. C'était le début d'une trève.
Puis j'ai eu un enfant. L'accouchement a sincèrement été un traumatisme, même pour l'étudiante sage-femme que j'étais, même pour celle qui s'était intéressé à l'effet des traumas sexuels sur les femmes en travail. Je ne l'ai même pas reconnu à l'époque. Cette intensité par laquelle mon corps était secoué, hors de ma volonté, était insoutenable de par ce sentiment de ne pas avoir de contrôle sur ce mal. J'ai sincèrement voulu mourir en accouchant. Puis je me suis donnée corps et âme à cette enfant de mon coeur, jusqu'à m'oublier, tout en me réparant un peu.
Je retrouve avec mon poids en trop le connu, l'invisibilité. Être femme et être grosse, c'est se prendre les regards de ceux qui croient que ça n'est qu'une petite question de volonté, de manger mieux, de bouger plus. C'est cotoyer des personnes qui ne veulent pas vraiment me connaitre mais qui m'identifient à un groupe de personnes faible et sans volonté. C'est surtout l'invisibilité, si connue dans mon parcours, et pourtant si détestée. Je me suis sabotée pour y revenir, pour y rester.
Perdre du poids, c'est une toute autre paire de manche que le prendre, mais comme avant, je pense que le changement réel et profond ne peux commencer que par l'acceptation. Je suis grosse, marque visible de mes difficultés, de mes combats, de mes gènes aussi, sans doute. Je suis aussi grosse de ces hormones en folie, avec cette vieille amie tumeur, qui font qu'il est sans doute plus facile pour moi que pour d'autres de prendre du poids. Au yeux de plein de gens qui ne connaissent rien au surplus de poids, tout cela ne saurait être qu'excuses et mensonges. (Le féminisme intersectionnel fait une belle analyse de l'oppression systémique que vivent les personnes en surplus de poids.) Je n'accepterai pourtant pas qu'on me dévalorise jusque de l'intérieur alors que ce poids et ce qu'il représente est déjà difficile à porter.
Je suis une battante. Et je prends toute ma force pour me donner le droit à la vulnérabilité. C'est elle qui me secoue, des jours comme aujourd'hui, ou je reconecte avec mon corps et mon âme. Elle me secoue, mais me fait revivre aussi... C'est fou comme c'est un long voyage que d'aller simplement vers soi...
mercredi 26 février 2014
jeudi 20 février 2014
L'acceptation de soi: un combat féministe.
Parlons gras: celui qu'on craint, celui qu'on déteste, celui qui nous fait disparaitre en société au fur et à mesure qu'il prends de l'importance.
On nous enseigne depuis l'enfance ce qu'on devrait être en tant que femme. Oh, ce n'est pas toujours explicite, et c'est bien la beauté des systèmes qui se perpétuent. Nos parents, souvent de leur mieux, reproduisent les modèles qu'ils ont intégré, pendant que la société en entier nous envahit de valeurs et d'images auxquelles on devrait se conformer, et peu importe si ces modèles sont souvent ceux de modèles à peine pubères auxquels peu de filles, même de cet âge, correspondent, qui en plus doivent être retouchés. Qui n'a pas rêvé au moins une fois de leur ressembler? Si on ne peut pas changer nos traits, on nous vend que c'est possible d'avoir leur minceur. J'aurais longtemps donné mon bras pour ça, et je me souviens d'avoir vu passer une statistique disant qu'une majorité de jeunes filles auraient préféré faire de même qu'être grosse. Sans y laisser nos bras, on y laisse trop souvent notre équilibre et un notre amour propre.
Si ces modèles ne changent pas, c'est qu'ils conviennent au système, mais aussi parce que les femmes ne se sont pas encore levées pour faire sauter cet engrenage.
Vendre de quoi aller vers l'inaccessible permet de vendre à l'infini. Vendre un modèle impossible permet aussi de garder les femmes soumises, insatisfaites et peu confiante en leur pouvoir. Le capitalisme et le patriarcat s'entendent bien pour nous garder effacées.
Il ne devrait pas être si révolutionnaire de réclamer pour chacunes et chacuns le droit de s'aimer comme elles/ils sont, et d'être respectés en tant que tel. Pourtant, ça l'est. Il est encore de bon ton de ridiculiser les gros, voire de se ridiculiser soi même, et fréquent que ces personnes soient traitées en sous-humains et résumées à des personnes qui mangent des chips en écoutant la télé, d'un ton dédaigneux. Elles devraient aussi se couvrir assez pour ne pas exposer le monde à leur infamie. Assez! En plus de réclamer de la diversité dans les modèles et la liberté d'en diverger, ne plus accepter de se détester, de se cacher ou de faire reposer sa valeur sur l'approbation des autres est un acte de revendication féministe en soi.
Ça ne veut pas dire qu'on ne peut pas vouloir changer, pour soi, dans un acte d'amour, mais plutôt de donner parole à ce corps, le notre, qui ne sera pas berné par ce qu'on fait "pour sa santé", que ce soit en régimes restrictifs, en pilules amaigrissante, en exercices qui bouffent l'agenda et en exagération de toute sorte. On se tue à petit feu à vouloir devenir mince, et on se gâche le présent à se détester pour se donner la motivation d'y arriver. Je ne vous raconterai pas mes propres exagérations; je suis très forte là dedans. Je peux seulement vous dire que j'ai toujours prétexté la santé pour la mettant en péril, physiquement et mentalement, et que c'est aujourd'hui normalisé tant qu'on est pas visiblement très anorexique, anorexie qu'on dénonce mais qu'on placarde aussi sur toutes les affiches.
Quand on sait qu'entre 80 et 95% des régimes se solderont par une prise de poids plus grande et qu'on connait l'impact de ces variations de poids, quand on sait que les cellules graisseuses, même vides, ne disparaissent jamais et qu'elles envoient de puissant signaux hormonaux pour qu'on les remplisse, on comprends mieux l'hypocrisie du modèle qu'on nous propose. Les régimes ne marchent pas et font plus souvent qu'autrement grossir. Il faut descendre de l'illusion qu'il est possible d'avoir exactement le corps qu'on veut sans lui nuire ailleurs que dans l'acceptation de son poids génétique. Mais surtout, pourquoi ne pas questionner, pour commencer, le modèle?
Je ne suis pas de celles qui proposent que seules les grosses sont de vraies femmes ou sont vraiment belles ou désirables. Je crois seulement à la diversité, au respect et à la liberté d'être. Je crois par contre que toutes les femmes sont opprimées par le modèle unique qu'on leur propose, alors que la santé vient dans une multitude de format, telle que l'expose une science qui trouve rarement son chemin dans les médias, et que la maladie ne devrait pas être une source de honte pour celles qui en souffrent.
Femmes de tous formats, vous avez pleinement le droit de vous aimer comme vous êtes, maintenant, et on avance ensemble quand on refuse la tyrannie des modèles qui nous oppriment toutes, quoi qu'ils nous imposent d'être. Je suis pleinement consciente de la difficulté de se libérer du conditionnement perpétuel qui nourrit notre propre vision de la beauté et notre propre volonté à s'y conformer. Ça montre d'autant plus la nécessité de mener ce combat pour soi d'abord, mais aussi pour nos filles et pour tout le monde qui souffre de ces standards de beauté qui ne servent personne, sauf peut-être les poches ou la haine de certaines personnes.
mercredi 19 février 2014
Paléo-végé-débile
Je mange: toute une nouvelle, je sais.
J'en retrouve toutefois la conscience. On se coupe toujours un peu de soi et de son plaisir quand on mange un aliment rendu louche par tout ce qu'on croit à son sujet.
Petit à petit, je m'étais remise à ne plus m'écouter, puis à me méfier de quelques aliments ayant commis le péché de contenir soit des glucides, des lipides ou même des protéines, flirtant entre le désir de sainteté végétalienne et celui d'un régime paléolitique faible en glucides, rien de moins, mais toujours avec une petite voix derrière la tête qui me rappelle que les restrictions quelles qu'elles soient ne sont pas durable.
Peu d'aliment ont la sainteté suffisante pour que j'en mange sans remords, et en général, quand il l'ont, j'aime autant ne pas les goûter pleinement. Sérieusement, est-ce que quelqu'un ici trippe vraiment sur le kale?
J'ai tout de même rationnalisé le fait de faire une détox tout en "m'écoutant", en commençant mes journées dans la restriction et la torture gustative. Hahaha.
Laissé moi vous présenter l'elixir de beauté que j'ai bu pendant 1 mois, le nez bouché.
Qu'on se le dise, malheureusement et malgré tout ce qu'on tente de nous vendre, il n'y a pas encore de façon de s'alimenter qui permette d'éviter la mort ou de ne pas vieillir, même si on voudrait bien y croire. Tout ce qu'on a, c'est le présent. Ce présent où on ne devrait pas se gâcher la vie à courir après de fausses promesses. Ce présent à savourer de toutes les façons.
Hier et aujourd'hui, j'ai aimé mes aliments. J'ai savouré ceux que mon corps désirait. C'est sur que j'ai de la pratique dans le concept, mais c'est encore aussi libérateur. Et j'en ai toujours autant à apprendre. C'est s'ouvrir la porte...
Et pour la première fois depuis des mois, je n'ai pas mangé plus que ce que mon corps avait besoin, dans la zenitude, avec amour pour les bons produits.
Il faut faire le constat qu'après tout un parcours de reconnection, avec en arrière plan ce désir de maigrir plus, j'ai reflirté avec le régime, et j'ai regrossi. Je m'aime assez pour arrêter la torture et suivre mon corps là où il voudra bien aller.
Je vous laisse sur un documentaire capable de vous enlever un peu de ce non sens régimien implanté dans notre culture et nourri par tout un marché qui s'en remplit bien les poches..
J'en retrouve toutefois la conscience. On se coupe toujours un peu de soi et de son plaisir quand on mange un aliment rendu louche par tout ce qu'on croit à son sujet.
Petit à petit, je m'étais remise à ne plus m'écouter, puis à me méfier de quelques aliments ayant commis le péché de contenir soit des glucides, des lipides ou même des protéines, flirtant entre le désir de sainteté végétalienne et celui d'un régime paléolitique faible en glucides, rien de moins, mais toujours avec une petite voix derrière la tête qui me rappelle que les restrictions quelles qu'elles soient ne sont pas durable.
Peu d'aliment ont la sainteté suffisante pour que j'en mange sans remords, et en général, quand il l'ont, j'aime autant ne pas les goûter pleinement. Sérieusement, est-ce que quelqu'un ici trippe vraiment sur le kale?
J'ai tout de même rationnalisé le fait de faire une détox tout en "m'écoutant", en commençant mes journées dans la restriction et la torture gustative. Hahaha.
Laissé moi vous présenter l'elixir de beauté que j'ai bu pendant 1 mois, le nez bouché.
1 cup cold water or aloe juice (great for digestion)Plein de vert, du chou, de la betterave, du citron avec la pelure: même un truck de xylitol n'aurait pas rendu ça buvable.
1/3 cup of fresh parsley (heavy metal detoxifier)
1 ¾” wedge of cabbage (stomach healer)
1/2 cup of fresh dark, bitter greens (detoxifying and stimulating to the liver)
1” piece of ginger, peeled (circulation stimulator, anti-inflammatory)
1/2 lemon, scrubbed but not peeled (body alkalizer, bioflavanoid-rich)
1/2 small beet (blood cleanser)
Pinch of cayenne or 1/4” slice of small jalapeno pepper (peppers reduce pain and compulsive urges)
2 tsp. xylitol or stevia to smooth out the taste (both have health benefits). I like NuNaturals NuStevia (it's debittered and tastes great) and Sweet-X Xylitol Crystals.
Bonus: a sprig of fresh herbs, such as thyme, tarragon or basil
Ice as needed
Qu'on se le dise, malheureusement et malgré tout ce qu'on tente de nous vendre, il n'y a pas encore de façon de s'alimenter qui permette d'éviter la mort ou de ne pas vieillir, même si on voudrait bien y croire. Tout ce qu'on a, c'est le présent. Ce présent où on ne devrait pas se gâcher la vie à courir après de fausses promesses. Ce présent à savourer de toutes les façons.
Hier et aujourd'hui, j'ai aimé mes aliments. J'ai savouré ceux que mon corps désirait. C'est sur que j'ai de la pratique dans le concept, mais c'est encore aussi libérateur. Et j'en ai toujours autant à apprendre. C'est s'ouvrir la porte...
Et pour la première fois depuis des mois, je n'ai pas mangé plus que ce que mon corps avait besoin, dans la zenitude, avec amour pour les bons produits.
Il faut faire le constat qu'après tout un parcours de reconnection, avec en arrière plan ce désir de maigrir plus, j'ai reflirté avec le régime, et j'ai regrossi. Je m'aime assez pour arrêter la torture et suivre mon corps là où il voudra bien aller.
Je vous laisse sur un documentaire capable de vous enlever un peu de ce non sens régimien implanté dans notre culture et nourri par tout un marché qui s'en remplit bien les poches..
lundi 17 février 2014
Retour
De retour, presque 4 ans plus tard.
Ce blog était devenu lourd de tout ce que je n'étais pas, de tout ce qu'on aurait voulu que je sois et que je transmette, avec en avant plan une recette pour être mince. Après tout, qui lirait un blog qui traite du parcours d'une grosse qui perds du poids sans vouloir elle même en perdre. Et pourtant, cette démarche, à la base, parlait de respect et d'amour de soi.
Je suis de retour parce qu'au fil des jours, j'ai oublié de me respecter. La vie n'a pas été facile, mais un peu d'indulgence envers moi même aurait adouci le parcours. Je me retrouve à présent avec des kilos accumulés, de ceux qui arrivent parce qu'on se gèle/récompense/puni avec de la nourriture. Parce qu'on mange à s'en donner mal au coeur, en vue de la privation qu'on commence toujours demain. Parce que j'ai choisi de ne pas me ressentir, de refuser le miroir, les sensations.
C'est tout un parcours que d'apprendre à s'aimer et à vivre avec soi, avec les joies et les douleurs que ça comporte. Maigrir n'est pas une recette pour l'apprendre. Être grosse ne l'empêche pas.
Parfois, rarement, maigrir est un parcours de réconciliation, un effet secondaire d'une démarche plus profonde.
Je sens au fond de moi cette fille qui veut vivre en cohérence et retourner dans cette démarche d'amour, à contre courant d'une culture capitaliste qui entretient le désir d'être autre que soi, une poursuite impossible pour des profits infinis.
C'est assez. Je serai moi même, en pleine conscience. Imparfaite.
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