Je hais la technologie du plus profond de mon être.
Et plus que ça encore.
Aujourd'hui, c'est mon premier jour d'école, enfin, premier de cette année... Ou plutôt, cela devait être.
La semaine passée, lorsque j'ai regardé mon horaire et que je me suis dis que je devrais le noter, je me suis ordonné de profiter de mes vacances et me suis dit que je pouvais bien la noter la veille du début des cours. Mais voilà que le système de l'université ne fonctionne pas depuis hier... J'ai eu beau appeler tous les êtres humains à l'université ce matin, personne ne peux m'aider puisqu'ils dépendent tous de ces maudits ordis.
Je devrais m'accorder pour cette session d'être moins perfectionniste sous peine de me déshydrater à perdre de la sueur et des larmes. Je n'ai rien à prouver à personne et je dois arrêter d'essayer de me prouver que j'ai de la valeur. J'en ai. Un A+ ou un C, ça n'y change rien.
Alors, en attendant de pouvoir accéder à mon horraire, je passe mon temps dans un livre plutôt aride, Je mange donc je suis, surpoids et troubles du comportement alimentaire, de Gérard Apfeldorfer. Je dois avouer que le style de ce livre prépare bien aux souffrances scolaires, mais qu'il explique aussi de manière bien complète les théories actuelles face au surpoids et aux troubles alimentaire.
Selon mon humble avis de pas experte, la majorité de ces théories vont dans tous les sens, pourraient s'appliquer à a peu près tout le monde et ne me touchent pas plus que de lire mon horoscope dans le journal Métro chaque matins.
Mais il y a quelques prases ou je me reconnais et qui pourraient me permettre d'approfondir ma connaissance de moi même et d'éventuellement, peut-être, comprendre un peu mieux mes relations pas toujours gentilles avec la bouffe.
Apfeldorfer parle d'image du corps et de la facilité avec laquelle on arrive à le corps de l'esprit. J'ai entendu beaucoup de gens en surpoids dire qu'ils ont l'impression que le corps qu'ils portent n'est pas le leur. Moi même, je suis toujours surprise lorsque je me vois sur des photos (ces derniers temps, de moins en moins) Un certain degré de dissociation est presque toujours observé chez les gens en surpoids et sur ceux qui ne s'acceptent pas. Détester son corps serait suffisant pour s'en détacher. Et ce détachement fait qu'on n'a plus idée de son propre corps, facilitant la prise de poids.
La douleur et les divers traumatismes diminueraient aussi la perception du corps. Il y a plusieurs expériences scientifiques ou un malade ne perçoit plus une partie de son corps qu'il rejette (maladie, paralysie) comme sienne. Un douleur diffuse et prolongée a souvent pour effet de couper le corps de l'esprit. Il me vient immédiatement à l'esprit que différents abus physique auraient pu m'éloigner des sensations de mon corps. Pendant longtemps, j'aurais voulu être un pur esprit. Le corps est une porte qui permet aux autres de nous toucher. Nos mécanismes de défense sont efficaces pour abaisser la sensation qu'on en a pour nous protéger.
Depuis quelque temps, je ressens mieux ce corps que j'apprends à aimer et à comprendre. Je crois que c'est un effet direct de plus d'acceptation. Le sport aide indéniablement à réinvestir cette forteresse délaissée.
Apfeldorfer disserte longuement sur le sujet. d'ailleurs, le livre jusqu'au milieu, puisque c'est là ou je suis rendue, est une longue dissertation plus académique qu'accessible au commun des mortels qui veut s'aider. Sans plusieurs notions de psychologies glanées dans mes cours de psycho, je crois que je n'aurais pas pu comprendre sa pensée de fond. Mais je le cite tout de même dans des passages clairs qui m'ont fait réfléchir sur le thème de la perception du corps:
"Il s'ensuit une négation de la réalité au profit du rêve. Le sujet évite le mouvement, bouge le moins possible afin que son corps réel se rappelle à lui aussi peu que possible"
"Lorsque l'obèse désinvestis libidinalement son corps et le rejette, il lui faut, sous peine de vacuité ou de dépression, surinvestir autre chose. Ce peut être l'intellect, le domaine artistique ou son propre imaginaire. Mais c'est souvent, plus prosaiquement, l'autre, celui avec lequel il tente de s'identifier, le mince."
Ce n'est pas dit directement mais mes pensées m'ont aussi emmenées vers le thème de la faim en tant que besoin et désir. Lorsqu'on tait sa faim, physique et psychologique, on se nie dans ses envies et c'est apprentissage de non écoute de soi et un comportement qui peut se répéter avec le reste: sexualité refoulée et mal vécue, dépression. On devient un sujet retenu.
Le livre donne quelques belles pages au concept de restriction cognitive. On y parle d'une expérience qui, personellement, me donne à réfléchir.
On donne un milk shake avant le repas a des étudiants en psychologie avant de leur donner un repas complet, puis 2 a d'autres. Certains des sujets "surveillent leur alimentation", d'autres non. Certains sont gros, d'autres non.
Il semble que ce qui fasse la différence sur l'apport alimentaire soit seulement l'état de restriction cognitive, qu'on soit mince ou pas. Lorsqu'on leur donne un milk shake, ceux qui "surveillent leur alimentation" mangent moins que les autres mais lorsqu'on donne deux milk shake aux sujets en état de restriction cognitive passent le seuil au dela duquel ils ne se controlent plus et il mangent plus que les autres.
"L'état de restriction cognitive va de pair avec une abolition du plaisir de manger. L'important, pour le sujet se restraignant, n'est pas de manger avec plaisir mais de contrôler ce qu'il mange"
Humm, ça me rappelle une fille que je connais ça...
Ensuite, Apfeldorfer passe en revue les principales théories psychologique de l'obésité. Quelques unes m'interpellent, dont celle du concept d'empathie de Winnicott. Je ne suis pas une grande fan d'accuser qui que ce soit de mes problèmes mais il vaut peut-être la peine de se pencher sur des facteurs qui aurait pu contribuer à me faire comme je suis. Selon Winnicott, une mère qui manquerait d'empathie (et non d'amour!) serait une mère qui ne comprends pas les besoins de son bébé et réponds à toutes ses demandes par de la nourriture.
Le bébé, en grandissant, n'arrive plus à faire la différence entre émotions et faim (théories d'Hilde Bruch) La nourriture devient une réponse polyvalente face à toutes sensations ou émotions. Ma mère répondait à nos pleurs par de la bouffe ou un peu de miel sur la tétine. Elle n'a jamais vraiment pu se mettre à la place des autres pour savoir ce qu'ils ressentent. Beaucoup d'obèse et de boulimiques auraient de tels parents à divers degré mais inversement, seraient de très grands empathiques.
Pour les théories psychosomatiques, j'ai pris conscience recemment que c'était une part de mon problème avec la bouffe. J'ai beaucoup réfléchis à cela ces derniers temps et j'écrivais ceci sur mon blog, pointe de l'iceberg de ma pensée sur mon incapacité de toujours à exprimer ma colère (qui s'améliore!): "J'arrive maintenant à ressentir de la colère, à la canaliser. C'est une colère qui a toujours été là, diffuse, orientée contre moi même. Pour moi, tout cela va de pair avec ma nouvelle façon de me nourrir."
Voici ce qu'écris Apfeldorfer sur les théories psychosomatiques: "Dans le cas de l'obésité et de la boulimie, l'hypothèse d'orientation psychosomatique la plus souvent évoquée est donc celle d'une incapacité à exprimer des sentiments d'hostilité et de colère, à régler des situations conflictuelles, ou plus généralement, à supporter des émotions intenses, le tout éventuellement en conjonction avec une prédisposition génétique. Manger a alors la valeur d'un acte auto agressif: on retourne l'agressivité ou la colère non exprimée contre soi même; on mange en quelque sorte pour se punir, ou le fait de manger évite la dépression." Je me retrouve pleinement là dedans et je crois qu'en avoir conscience spontanément est propablement signe que ce conflit intérieur peut maintenant se résoudre ou du moins que je connais plus ce malaise intérieur et flou que je n'arrivais pas à décrire.
Kingston présente aussi une théorie de la famille préoccuppée par les apparences plus que par le fond comme prédisposante à la boulimie. Au delà de ma mère, il y a ma grand mère qui a presque été une mère pour moi. J'étais toujours chez mes grands parents et ils m'ont éduquée plus que quiconque. Ma famille proche, grand papa, grand maman et mes oncles-tantes, sont une famille de type clan ou l'apparence de cohésion et d'affection cache une obligation à bien paraitre. Ce qui ne fonctionne pas dans notre famille n'existe pas: abus sexuels, violence, dépendances, dépressions, etc... Ce sont des choses dont on ne doit pas parler et qui n'existent pas. Je suis même souvent frappée par le niveau de déni et d'autopersuation de ma grand mère. Elle oublie ce qu'elle veut bien oublier et est scandalisée par les même choses se passant dans d'autres familles.
Je me suis surprise à m'emporter l'autre jour contre ma mère, ne pouvant m'arrêter, lorsque le sujet tomba sur un de mes oncles et qu'elle me dit qu'il vallait mieux ne pas parler de ça. Je lui ai dit que les tabous tuaient notre famille entière de l'intérieur et que personne ne m'empêcherait de parler, que c'était sain, que ce qu'on ne dit pas continue d'exister, que les petits secrets de tout le monde les rendaient fous, que j'en savais assez pour être indignée même si je sentais que je ne savais pas tout. Et même si je n'en parle pas plus, ça m'a fait tellement du bien de lui dire, je me suis sentie plus légère. C'est comme si j'avais choisis pour moi et ma future famille de briser le cycle.
Alors voilà pour la première partie de ma lecture. Le livre passe en détail sur l'histoire de nos habitudes alimentaires et de plusieurs aliments, sur la physiologie, sur le concept de stress de Selye et plusieurs autres trucs qui, je dois l'avouer, m'ont laissé froide, mais comme je l'ai payé, ce mauzus de livre, je vais le finir et aller chercher le meilleur de ses lignes. Il est d'ailleurs à donner après ma lecture si jamais ça intéresse quelqu'un...
Mon horaire vient d'apparaitre, je n'ai des cours que cet après midi, ouf. Sauvée.
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