samedi 15 novembre 2008

Jamais deux sans trois

J'en suis à un point ou je trouve presque la situation drôle.

Presque.

Mon petit frère s'est refait mettre dehors pour avoir refumé dans la dernière ressource de sa région.

J'ai refusé de le prendre à la maison. J'ai envie de lui laisser son autonomie et les privilèges de sa vie d'adulte, entre autre celui de se casser la figure et d'apprendre de ses erreurs. J'aurais quand même préféré milles fois le prendre à la maison. La culpabilité qui me ronge est insoutenable, même si je crois avoir fait le mieux dans une situation ou aucune option n'est idéale. Je ne peux pas le sauver à chaque fois. Je ne dois pas le sauver à chaque fois.

On a cherché des alternatives. On a visité des chambres à la hâte. Je suis finalement allée le porter dans une auberge jeunesse de Montréal avec l'impression d'en passer une vite à l'aubergiste. Il ne voulait pas aller dans une ressource d'urgence pour ne pas avoir à se lever le matin. C'est son argent, il peut aller ou il veut, mais comme il détonnait à côté des jeunes voyageurs vifs et allumés de l'auberge...

Si vous voyiez son air complètement dépassé par la ville. Il est incapable de se servir d'une carte d'appel ou de prendre le métro. Il a l'air gelé en permanence même quand il ne l'est pas. C'est un petit garçon troublé dans un corps d'homme mais ses yeux éteints le trahissent. L'aubergiste nous regardait d'un air suspicieux en lui demandant si ça allait pendant que je me sentais comme une soeur complètement indigne. Le voir signer son nom en lettre carrées comme un zombie analphabète me fends le coeur. Je ne serais pas surprise qu'un autre problème arrive avant lundi matin. Il est le pro des problèmes. Il n'apprends pas, ne comprends pas.

Qu'est ce qu'on fait quand quelqu'un passe sa vie à faire du funambulisme sur des fils électrique alors qu'il est mauvais dans cette discipline? J'ai l'impression de le retenir sur le bord du précipice et parfois, j'ai envie de le pousser un tout petit peu.

Je me mettrais à genoux devant ma mère pour qu'elle revienne s'occupper un peu de ce fils qu'elle a tellement négligé si je n'avais pas peur de finir avec la charge des deux. Cette famille est insupportable.

Après avoir passé mon après midi et ma soirée à stresser pour trouver une solution potable et alors que j'en étais à m'en vouloir au pas de la porte de l'auberge jeunesse, au moment de dire au revoir, il m'a regardé avec ses yeux rougies de larmes virilement retenues et m'a dit qu'il irait se fumer un joint avant de se coucher.

Et vlan.


Il a une intervenante qui s'occupe de lui depuis 3 semaines. Si vous saviez le bien qu'elle me fait à me décharger un peu de lui, à essayer de le guider vers l'autonomie en comblant son besoin énorme de support. J'espère qu'elle ne se tannera pas. Je la comprendrais. Il est lourd et il n'est pas coopératif. Il n'a aucune conscience d'avoir un problème. J'en ai tellement marre. Je suis là à me retrouver presque plus dépendante que lui des services de cet organisme merveilleux. Elle revient lundi et, moi qui me suis toujours arrangée toute seule, j'attends d'elle un miracle: une nouvelle place en hébergement supervisé...

5 commentaires:

Nefertiti a dit…

se que ca doit etre lourd et usant pour toi...

je ne trouve pas les mots,desolee...

Anonyme a dit…

Je ne comprends pas... Comment peut-on foutre quelqu'un à la porte d'un centre d'hébergement fait (je le suppose ?) pour des gens ayant des difficultés à mener une vie normale ? Je trouve ça aberrant. Il a besoin d'aide, c'est visible non ?

Existe-t-il des genre de centre de désintox qui lui conviendraient ? Rendu là, sa consommation l'empêche d'avancer dans sa vie.

Je ne m'y connais pas trop dans ces choses-là en fait...

Mais tu as beaucoup de courage et de force pour prendre tout ça sur tes épaules en plus de tes propres problèmes, de tes cours...

Un blog ça sert à se vider le coeur, continue ;)

Je t'envoie plein de bonnes ondes.

Pomme verte a dit…

Il n'y a pas beaucoup de ressources pour les aidants naturels... Ce sont les grands négligés!

Vertige tes écrits sont importants, ils dénoncent une situation grave, ils dépeignent une réalité!

Lorsque je bossais en santé mentale la mode était à l'empowerment, mais ce n'est pas toujours évident ... Surtout pour la famille!

Je t'envoie tous mes encouragements! En espérant que tu prennes soin de toi à travers tout ça!

Vertige a dit…

Ly: Il a besoin d'aide mais les centres d'hébergement ont des règles. Je crois que c'est sain qu'il apprenne que dans la vie, personne n'est là pour le servir sous toutes les conditions. Pour l'instant, les intervenants le considèrent comme un adulte capable de choisir sa façon d'agir et le traitent en conséquence. Son premier intervenant avait enclenché des procédures pour voir à jusqu'a quel point il est capable de devenir autonome. Il doutait fortemant qu'on doivent laisser à Sam toute son autonomie et même si je n'étais pas trop d,accord, je dois avouer qu'a le regarder aller, j'en suis plus trop certain. C'était vraiment un homme de coeur mais après lui avoir donné plusieurs chance, il a du le mettre dehors et passer le flambeau à une autre intervenante qui peut le suivre d'hébergements en hébergements.

Pour une désintox, c'est d'une inutilité totale si lui n'a aucune intention ni envie d'arrêter de consommer. Il ne l'accepteront même pas. Il faut qu'il commence par se rendre compte que sa consommation lui cause des problèmes mais après de longues conversation avec lui, crois moi, ce n'est pas du tout le cas.


Pomme verte: a ce que je vois, la mode est encore à l'empowerment et j'y crois beaucoup mais tu as bien raison, c'est loin d'être évident, je me demande bien si c'est possible avec quelqun comme Sam. C'est épuisant de le soutenir dans tout ça et on ne peux pas non plus le laisser tomber. Avec les limites de l'intervention, c'est lui qui a la responsabilité de lui même, et comme on ne peux pas tolérer de le voir se vautrer dans les bas fonds de l'existence, ça finit par reposer sur nous, qu'on l'aide ou que le regarde aller. Il y a des gens qui ont besoin d'un support constant et soutenu et je crois vraiment que c'est moins drainant quand on a pas de liens familiaux avec quelqu'un pour l'aider. Mais au moins, depuis qu'il est diagnostiqué, il y a des intervenants avec lui et ça me soulage beaucoup. Tout de même, quand il utilise ses ressources, je suis presque toujours impliquée...

D'ailleurs, il vient d'interrompre ce message pour me redemander comment se rendre du métro Mont-Royal au Métro Jarry jusqu'a chez moi, malgré que j'ai pris une bonne heure pour lui expliquer hier, schéma compris. Il vient faire ses démarches ici. Je ne les ferai pas à sa place mais honnêtement, ce serait bien plus facile que de tout lui expliquer. Il n'arrive pas à le faire tout seul. C'est investir beaucoup plus que de lui réexpliquer pour la 330ieme fois comment fonctionne la carte d'appel, quoi dire, quoi ne pas dire, sans brimer son estime, en encourageant ses capacités mais ouf, ça tue.

Il arrive bientôt. Je vais me préparer mentalement et essayer d'étudier un peu en même temps. Je vais en profiter ce midi pour lui montrer à cuisiner autre chose que ce que je lui ai montré la dernière fois et qu'il mange depuis sans arrêt. C'est tuant, mais c'est quand même le fun et je suis certaine que ça l'aide de se sentir supporté. C'est surtout ça plus que le reste pour moi. Malgré l'envie parfois, je ne pourrais pas l'abandonner. Nos parents m'ont trop initié a ce que c'est d'être seul au monde et je ne veux pas ça pour lui. Il a une soeur, c'est pas grand chose mais c'est mieux que rien!

Ouf long roman. Vous êtes bien gentilles de me lire. Merci beaucoup. Ça fait du bien

xx

Vertige a dit…

Nefertiti: juste de te voir passer, ça me fait plus chaud au coeur que bien des mots. C'est fou le support qu'on peut sentir de gens qui ne nous ont jamais vu! Merci!
xx