lundi 7 avril 2008

"Non merci"

Quand j'entendais des gens dire qu'ils pouvaient rester de glace devant un plat qu'ils adorent s'ils n'ont plus faim, je ne pouvais m'empêcher de les regarder avec un petit sourrire narquois et de penser intérieurement: "ouais, c'est ça, mon oeil".

C'est que j'ai tellement entendu de "non merci, je n'ai pas très faim" venant de la part de femmes qui avaient comme un "je meurs d'envie de tout dévorer" écrit dans le front que je pourrais me méprendre sur le fond de la pensée du reste du monde, s'il existe encore des gens qui arrivent à écouter leurs sensations dans ce pays.

Il y a ma cousine, grande maigrichonne qui passe principalement sa vie à perdre l'invisible gras qu'il lui reste et à se persuader qu'elle n'a jamais faim. Heureusement qu'elle finit par voler un peu de nourriture à son bébé quand l'odeur exquise de la compote de brocoli excite ses papilles en manque. Je ne l'ai jamais vu manger sereinement, mais parfois, je la vois pêcher.

Il y a ma tante N., qui sait résister aux meilleurs desserts dans les partys de noel pour finalement noyer son manque et foutre sa journée parfaite minçavi en l'air dans les vieilles chips Ruffles nature molles que mes grands parents ont dans leurs armoires depuis l'année dernière.

Il y a ma tante A., qui a selon ses dires cessé d'aimer les sucreries, le chocolat et surtout tout ce qui a un taux de gras de plus de 3% depuis qu'elle cherche non pas à maigrir mais "a faire attention à sa santé". On la comprends d'ailleurs, le saumon, les noix, les fruits séchés ou les huiles vierges pressées à froid étant comme nous le savons tous des poisons cancérigènes.

Non, je ne crois pas la majorité des gens lorsque lorsqu'ils me disent qu'ils n'ont plus faim et que je les vois avec une trace de restriction mal essuyée au bord de la bouche. Je suis comme ça, j'ai la mauvaise foi pour compenser mon foie gourmand.

Et si je ne les crois pas, c'est surement parce que j'ai menti plus souvent qu'a mon tour. "Non merci, je n'aime pas tellement les bonbons..." Oh mais quelle foutaise!

Il y a de l'espoir même pour les filles aussi brainwashées que ce que j'ai pu être, et ça, c'est pas peu dire.

Je me rends compte que j'arrive maintenant à manger à ma faim sans tiraillements intérieurs ni regrets dans des situations qui, avant, me mettaient en équilibre sur les ongles... Même dans des situations comme hier ou on me sert un des meilleurs spaghetti au téléphone (traduction de "al telephono...) que j'ai mangé de ma vie dans un contexte ou demander un doggy bag serait comme pisser debout sur la nappe blanche du restaurant, j'ai laissé la moitié du plat et décliné le dessert saus le moindre regret. J'aurais aussi bien pu tout manger, mais je n'avais plus faim donc plus envie.

Ma culpabilité alimentaire doit être en train de se vider de son sang en pleurant son abandon. Je suis une sadique et m'en réjouis. 1-0 pour moi.

6 commentaires:

Anonyme a dit…

"Je ne suis plus sadique et m'en rejouis"

BRAVO, milles fois =)
Je suis sur cette route aussi et m'approche de plus en plus de ce but tant recherché. Pas celui ou je vais pour voir enfiler mes "skinny jeans", mais celui ou je vais manger en sainte et totale paix, finalement!

Continue, j'adore te lire
- Karine

La Souimi a dit…

Ça me fait penser à quelqu'un que je connais très bien qui achète un gros 5 livres de chocolats de la Cabosse d'or à toutes les occasions. C'est assuré que cette boîte est ouverte sur sa table et elle en prend un et elle s'exclame en grimaces:" POUAH! C'est bien trop sucré." Son visage se tord, son corps se contorsionne, elle prend bien 7 ou 8 chocolats de sa grosse boîte, je ne les compte pas, je remarque juste l'attitude exagérée. Puis après chacun, elle dit qu'elle s'est "déshabituée" au sucre, qu'elle n'est plus capable d'en manger.
Mais,,, mais,,, la fois suivante, chez elle, elle sort une autre grosse boîte de la Cabosse et recommence sa crise d'épilepsie pour montrer qu'ELLE, elle a vaincu l'démon (ce qu'elle ne sait pas, c'est qu'elle est complètement obsédée et possédée par son gros monstre de culpabilité et de peur de se faire juger).
Elle ADORE le chocolat. Mais il serait bien trop honteux de nous le dire. Alors, elle acte.

Ça fait pitié, je trouve.

Tant d'énergie à essayer de convaincre les autres qu'elle est de glace devant tant d'onctuosité, de saveur, de douceur en bouche.

Anonyme a dit…

Quelle belle plume! C'est un régal de te lire. Ça m'aide beaucoup à cheminer vers plus de légèreté dans ma vie où le plus souvent je me sens plombée par l'obsession de la bouffe. Depuis des années, la nourriture prend pour moi des allures de problème à résoudre. J'aimerai tant laisser aller, ne plus être dans la lutte. C'est tellement énergétivore.
Enfin, je travaille là-dessus ; depuis peu il est vrai, mais je trouve la tâche très ardue, même si l'équation : j'ai faim, je mange est d'une simplicité exemplaire.
Aussi, je me demandais si le travail en solitaire est possible ou est-il nécessaire de se faire accompagner? Je pose la question car pour moi, l'aide régulière d'un thérapeute représente un budget assez conséquent.

Je te souhaite un merveilleux printemps tout plein de son énergie créatrice…

P.S. : D'après mes souvenirs, tu es étudiante à l'UQTR. Je le suis aussi (en pratique sage-femme).
En quoi étudis-tu?

Stéphanie

Vertige a dit…

Karine: La paix et la liberté, c'est probablement ce qu'on recherche toutes, mais on ne peux pas toutes avoir l'insouciance qu'on imagine aller avec une paire de skinny jeans sans en payer un prix trop lourd. On a enfin une façon de manger qui s'accorde avec une vie équilibré et remplie de plaisirs. Non mais y'était temps!!! Franchement, bravo pour ta démarche!

Souimi: quelle tristesse de ne pas avoir la pleine disposition mentale pour savourer un bon chocolat! Moi je suis à l'autre extrême. Je dois me retenir pour ne pas exprimer tous le plaisir et le contentement que m'apporte une bonne bouchée. Je me suis rendue compte que ça rends les gens presque aussi mal à l'aise qu'un orgasme en public. Le plaisir alimentaire est un tabou dans une société ou on doit "faire attention", être sage et pratiquer la modération...

Stéphanie: Le travail en solitaire est tout à fait possible et tu trouveras beaucoup de pistes avec une bonne carte de bibliothèque! Retrouver ses sensations alimentaires, c'est ardu parce qu'on a mis des tas d'obstacles entre elles et nous. Les chemins sont tous déjà au fond de toi, un spécialiste ne peut que t'aider à t'y retrouver un peu plus rapidement. C'est une approche ou on apprends à se connaitre et à se faire du bien.

Pour la suite de ton message, je risque ici mon saint anonymat pour te dire que nous nous rencontrerons peut-être un jour, si j'arrive à compléter le processus d'admission au bac en pratique sage-femme! Il ne me reste que l'entrevue à la fin avril pour et j'espère vraiment être prise. Je suis présentement à l'UdeM pour compléter mes cours préalables. Tu pratiquera un métier plein de vie et d'humanité et je t'envie!

Alors bonne journée tout le monde et à la prochaine!

Vertige
xx

Anonyme a dit…

alors moi, les " non merci", ils venaient de mon mari. Pendant 10 ans, je l'ai regardé de travers. Je me disais : il est mince, je suis grosse, et il veut me culpabiliser de manger plus que lui! Saleté, va !

Jusqu'au jours où je tombe sur le site du GROS, et où je lis un bouquin du Dr ZERMATI. Et là, dans la description des personnes qui se régulent naturellement, je reconnais qui? Je vous le donne en mille : mon mari.

Et ben, je peux vous dire qu'il se révèle être une mine d'infos quand j'ai des doutes sur mes sensations alimentaires !

Et puis, ça fait un sujet de dispute en moins ! lol

(parceque, je lui en voulais vraiment de me faire passer pour une goinfre! enfin, c'est comme ça que je l'interprétais...)

Kinnay

Anonyme a dit…

Ah Kinnay, je comprends bien cela!

Mon amoureux est un mince naturel. Quand il n'a pas faim, il ne mange pas, même ce qu'il aime le plus. Ça ne l'intéresse tout simplement pas. Et quand il a faim, il mange ce qu'il veut sans s'inquiéter.

La différence d'avec d'autres, c'est qu'ils ne se privent pas, s'écoutent et se font plaisir chaque fois qu'ils le veulent.

Tant mieux pour eux! Ils ne nous reste qu'a réapprendre à faire la même chose!

Bonne journée!

Vertige
xx