lundi 7 janvier 2008

Ken and me

Le sport le plus difficile est sans aucun doute celui d'endurer ces petits sportifs grossophobes cons qui ne manquent pas partout ou on reproche aux gros de ne pas être.

J'en ai rencontré sur les pistes de ski de fond du parc de la Gaspésie: un collègue de mon O., champion d'escalade et fan de plein air, qu'on retrouvais par le plus mauvais des hasard au gîte du Mont Albert et qui, pour soulager mon muscle endolori de fille pas douée qui s'est plantée en pleine face dans une descente raide, suggérait qu'on laisse traîner de la bouffe pour me motiver à suivre plutôt que de me reposer. Si seulement j'avais eu le plein usage de mon pied, je lui aurait bien montré, moi, que j'ai de la vigueur pour ma grandeur!

J'en ai rencontré un autre ce soir. Un vrai et un total. Vous l'avez sans doute déjà vu à la télé. Il vient souvent donner son opinion de grand expert de la forme à des émissions bien connues, il entraîne nos grandes vedettes locales et écrit des livres d'exercices à temps perdu. Pour le plus grand malheur de mes oreilles, j'ai appris ce soir qu'il enseigne dans une université montréalaise et qu'il a moins de sens du pollitically correct lorsqu'il se trouve devant un public composé de 98% de mince. (Nous sommes une cinquantaine, devinez qui vient faire fléchir la statistique?)

Je l'appelerai Ken.

Ken, qui doit nous enseigner les bases de la science de l'activité physique, a plutôt passé ce soir ses 3 heures à épandre subtilement ses convictions anti-gras et son dégoût de ceux qui en portent trop à une classe d'obsédés de la chose en prenant tous les prétextes possibles.

Croyez vous qu'un prof qui fait une fixation sur l'horreur de cette épidémie d'embonpoint en parlant de "ces enfants qui vont coûter une fortune à la société parce qu'ils font tout pour tuer leur pancréas en restant étendus à manger du McDo en regardant la télé comme leurs parents obèses", qui souligne a un étudiant qu'il est "bien puisqu'il n'est pas gros" ou qui met dédaigneusement plusieurs photo peu respectueuses de personnes obèses dans ses notes de cours sans que le contexte l'exige mérite une plainte au comité de déontologie de l'université? Je me tâte...

Ken nous emmenera aussi nous faire pincer la graisse en groupe par une gang de futurs kinésiologues en mal de cobayes qui en profiteront pour mesurer tous nos paramètres physiques. J'me peux plus d'attendre ce moment, cette surprise.

J'exagère peut-être. J'ai probablement tord de me sentir visée par sa lutte anti-gras et pourtant, je suis revenue à la maison les larmes dans le coin de l'oeil comme si on m'avait personellement attaquée toute la soirée. Et de penser que je devrai lutter pendant 15 semaines pour me préserver de cette influence plastique satanique, je déprime.

Le stéréotype du gros paresseux qui mange devant la télé, je peux plus l'entendre. Et d'avoir devant les yeux un prof qui a des bobettes de plastique au lieu d'avoir de vraies couilles en affirmant que 95% des gens reprennent tout le poids perdu et plus encore sans se demander le rôle qu'il a a voir dans cet état de fait en tant que professionnel et en blâmant bêtement la volonté de ses clients, ça me rends triste autant que ça me fout en rogne.
Parce que perdre du poids, c'est facile, qu'il dit...

Si tu savais, Ken... Si j'en croyais le regard que tu jettes sur le corps de celles qui me ressemblent, j'aurais si honte que je deviendrais comme celles que tu juges parce qu'elles n'osent plus bouger dans leurs corps que tout le monde se permet de regarder parce qu'il pourrait coûter un jour au contribuable. (Et ça, c'est discutable)

Au final, je n'ai pas honte, homme de plastique. Je trouve seulement dommage que ton discours sente le sacrifice plus que la vie car je sais que rien ne change ni ne pousse dans ces conditions. Tu continuera à récolter ton 95% d'échecs et tes quelques déséquilibrés. Et si l'activité physique servait d'abord à se connecter sur soi, puis à être plus soi au lieu de chercher à devenir toujours plus comme les autres? Et si t'étais vraiment un grand entraîneur en osant autre chose que l'air sale du temps?

Je vais me coucher, Ken. Tu m'as trop tappé sur les nerfs et j'en perds mon créole.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Allô toi,

Très contente de voir que tu viens toujours écrire quelques commentaires de temps en temps! Ça me fait toujours plaisir de te lire.

Ton commentaire m'a fait penser à un article que je lisais l'autre jour sur Internet, dont l'auteure chiâlait contre les parents qui "laissent leurs enfants devenir obèses" parce qu'ils le sont eux-mêmes (évidemment) et bien entendu supposait automatiquement que c'étaient parce que ces parents "laissaient" (toujours ce mot) leurs enfants se bourrer de fast-food et ne les incitaient pas à faire de l'exercice.

Mes parents ne font pas d'excès de poids; ils m'ont toujours incitée à faire du sport - c'est moi qui était allergique à l'éducation physique à l'école, et je le serais toujours si j'allais encore à l'école aujourd'hui, car le mode d'enseignement de cette matière fait perdurer assurément le dégoût de toute activité physique chez les jeunes qui n'y sont pas naturellement portés, et que je suis, que voulez-vous, une fille davantage intellectuelle que physique.
Pourtant, aujourd'hui, je me déplace partout où je veux sans voiture ou à pieds. Je fais aussi mon épicerie à pieds. C'est inenvisageable pour bien des gens que je connais et qui sont au gym trois fois par semaine.
Sur ce, je te souhaite bonne année 2008 remplie de belles choses à toi et à ton amoureux. :)
Suzie

Vertige a dit…

Je n'ai jamais rencontré de ces gens qui correspondent au stéréotype du gros.

Bouger comme tu le fais, c'est ce qui fait le plus de sens!

Bonne année à toi aussi!

xx